Les "Prots"

DindonVieille chanson poitevine, dont nous ne connaissons ni l'auteur, ni l'époque, ni le thème musical, parvenue jusqu'à nous grâce à une de mes grand-tantes, Jeanne, la nièce d'Emile Chamfays, qui la chantait souvent et l'avait copiée pour mémoire. Cette chanson était peut-être populaire dans la région de Châtellerault. Un spécialiste pourra peut-être nous en dire plus et nous en donner l'origine (avec internet tout est possible).

Le fond musical (MP3)
de cette page a été composé
par David Chavanel.

 

 



Additif : 29 mars 2004.

Nous écrivions, lors de la création de cette page, qu'avec internet tout était possible (voir ci-dessus) he bien cette affirmation s'avère exacte. En effet un internaute, David Chavanel, connaît l'origine de cette chanson et grâce à lui nous savons qu'elle  était chantée sur l'air d'une valse de Johann Strauss II (le fils), "RathausBall-Tänze" ("Danses du bal de l'Hôtel de Ville") et qu'il faut chercher son origine non pas dans le Haut mais dans le Bas-Poitou. Voici ce qu'il nous dit.

 

_ "(...) J'ai trouvé votre page sur la chanson "Les Peurots", dont je connais l'origine. L'auteur : l'abbé ESTEFFE (son châffre est l'abbé Gaël), prêtre et enseignant à St-Jean-d'Angély (17) au début du XXe siècle. Vous trouverez de plus amples informations à la Société d'études folklorique du Centre-Ouest (présidente : Mme FORTIN, La maison de Jeannette, 17 St-Jean-d'Angély). (...) Je vous joins la partition que j'ai refaite pour mon ami Didier Meyre qui en a besoin pour un ouvrage, à partir d'une très mauvaise photocopie fournie par la CEFCO. C'est d'ailleurs en cherchant une version lisible que nous sommes tombés sur votre site...
L'air du "bal de l'Hôtel de Ville" cité en référence sur la partition semble être une valse de Johann Strauss II (le fils), "RathausBall-Tänze" ("Danses du bal de l'Hôtel de Ville"). Il y aurait 11 couplets, peut-être variante de la version poitevine que vous connaissez... Je transmets votre message à Didier Meyre, il a peut-être d'autres informations sur ce certain Abbé Esteffe..."

 

A suivre donc et déjà un grand merci à Didier pour ses informations et pour son fichier MP3. Qu'il sache que nous serons heureux de faire ici la promotion de l'ouvrage de Didier Meyre.

Les Peurots (document envoyé par David Chavanel)

Les Peurots (original) reçu de David Chavanel.


 
Premier couplet

J'avions quat' beaux perots ben gras

Qu'étions tertous malades,

Pour avoir av'lé des "lumas"

qui mangions nos salades.

Ma femme me disit : faut que j' les pesit, y pouvons pu attendre

L'avions l' virouna, n'en guériront pas,

Il faut qu' j'allions les vendre (bis)

Deuxième couplet
A c' t heure je m' dis : j' m'en vas d' cou coup
Finir toutes mes affaires
Et d'main avec nos quat' "perots" j' emmenrons nout' bestiaire
Ma femme et mes viaux, les drôles, mes agneaux
Et jusqu'à ma belle-mère,
Dans un grand bouquion j' nous entasserons
Et j' irons à la fouère (bis)

Troisième couplet

Sur la grande place de Saint-Jean

O y a-t-une estatue

Qu'a l'air de s'amuser "bonnes gens" comme un jo sous une mue

C'est un fier gaillard, qu'a pas l'air raillard

Et fier dans sa culotte

Il est tout en fer, porte un habit vert

Avec une erdingote (bis)

Quatrième couplet
Coume i faisait tout juste clair,
Une boune idée, m'a venue :
Si j' nous installions à tuer l' verre, de conte cal estatue
Tertous sur un banc à boire du vin blanc à s' faire sabrer la goule
Et j' n'en sais trop ren, j' crois ben qu' nom d'un chien,
Ma belle-mère était soûle (bis)

Cinquième couplet

Tout à coup ma femme s'égeaillit

Comme un jo en colère :

Nos "perots" sont tertous partis, à moi donc, quelle misère !!!

Pendant que j' buvions et que j' bavassions,

Tout doucement, par derrière, quêques mauvais calins

J'en sé bin certain

Auront pris nout' bestiaire (bis)

Sixième couplet
Mon drôle d'Ugène qu'est un luron,
Et qu'est fin coume une grôle
Dit sûr que j' les retrouverons, qui dit cou pauvre drôle,
Pour les appeler j'avons qu'à subrer,
y répondrons tout de suite, tout l' monde va subrer
Pour les appeler
I' répondront ben vite (bis)

Septième couplet

J' subrons tertous Ugène et moué et jusqu'à ma belle-mère

La pauv' femme, respect que j' vous dois

En tomba su' l' derrière

Et turlututu subras, subras-tu,

L'en faisait une musique

Et turlututu subras, subras-tu

J'en avions la colique (bis)

Huitième couplet
Tout à coup ma femme me disit,
Entends-tu cou tapage,
Nos "perots" sont pas loin d'ici, entends-tu cou ramage.
Nos "perots" volés se trouvions toqués derrière un tas d' brindilles
I nous appelions et j' leur répondions
Coume qué' qu'un d' la famille (bis)

Neuvième couplet

J' me précipite vers cou l'endrét

En subrant d' toutes mes forces

Et j' vis un grand gas qui courait

Et qu'avait les jambes torses

I m' dit : qui qu' vous v'lez mon ami ?

"J' veux mes malheureuses bêtes".

Comme i s'arrêtait point

J' t'y flanque un coup d' poing

Et j' t'y caboche la tête (bis)

Dixième couplet
A c' t'heure j'y dis c'est pas tout ça
Vous m' devez cinq pistoles
Ou ben avec cou morceau d' bois
J' vous ébouille sur le sol.
Vous parlez d'un gas qui n'attendit pas
Et qui n' fit point d' manières
I m' donne mon argent, j' le serre en disant :
J'ai fait une boune affaire (bis)

(fin)

 


 

Le patois poitevin dérive de la langue d'Oïl. Lexique. _ Prot ou peurot : dindon. Piron : oie. Drôle : enfant. Drôllière : fille. Ebouiller : écraser. Tertous : tous. S'égeailler : crier. Jo : coq. Calin : fainéant. Cou : ce. Cal : cette. O : il. Combuger : remplir. On met les barriques à combuger en les remplissant d'eau pour que le bois se gonfle et pour éviter que les douelles ne s'écartent en séchant. Grôle : corneille. Subrer : siffler. Serrer : ranger. "Ben couillon" : expression employée couramment, pour ne pas dire abondamment, ponctuant chaque phrase et ce particulièrement à Thuré. Boulite : petite ouverture (généralement circulaire) pratiquée dans un mur. Souvent fenêtre d'étable. Ragouiller : se mouiller, taper, jouer dans l'eau. Sincer : passer la serpillière. Pinoche : pomme de pin. Laiches (vers de terre) : si on dit en dehors de la région qu'on a des lèches dans son compost personne ne comprend. En fait on devrait dire èche, esche ou aiche, qui signifie appât fixé à l'hameçon. Sicotter : bricoler. Marienne : sieste.

 

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Caractère poitevin

Les Poitevins appartiennent à une race vigoureuse. Ils sont un peu lents, mais laborieux, persévérants et doués d'une grande ténacité. D'un caractère plutôt froid, ils se montrent généralement prudents et réservés; ils n'aiment pas les grands gestes et se méfient des phrases sonores. Ils n'accordent leur estime et leur confiance qu'à bon escient; ils ne se lient pas facilement mais leur attachement est durable. Dans leur conduite et leurs paroles, ils font preuve d'un solide bon sens et d'une grande fermeté d'esprit. Voisins de la joyeuse Touraine, patrie de Rabelais, les Poitevins ne sont pas ennemis de la gaieté. Les paysans du Poitou aiment les divertissements, et particulièrement la danse; ils se plaisent à chanter en patois les vieilles chansons transmises par les aïeux; le soir, quand ils reviennent des champs ou des fêtes des villages voisins, on les entend lancer des ious vigoureux qui se prolongent en vocalises.

Auguste Gaud.

La version saintongeaise :

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