La Vie à la ferme

(un texte de Mme Vaucelle)

 

J'soumes fermier dans un p'tit village du couté d' Thuré, à la M'nalière, une boune ferme chez M. le Comte et la comtesse, sont du bin bon monde.

Nous autes, j'avons trente boss'lées de terre que j' feusons avec des beus. Mon bouhoumme a tout pien de travail, l'hiver les labours, les nouais à casser, à curer, et l'été c'est les batt'ries qu'on fait avec les vouèsins, y sont ben contents quant y fait chaud, d' manger un bon miatre. Le tantout y font une bounne marienne.

Moués, j'ai ben du travail de même pour faire à minger, crie une seillée d'iau au puits pour faire la soupe, cuire les pouais, faire dessaler la merluche, un bon ragoût de poule qui s'argotte.

Après j'ai mes bêtes à soigner, les poules, les jots, les lapins, faire la bornaie aux cochons. ça doune du mal, mais on est ben content l'hiver de manger des bounnes côt'lettes, du boudin, du jambon, pi y a les chèves à tirer pour faire des formages dans les fessines, pi les vaches à tirer quand a sont rendu des champs.

Pis y a la lessive : décrasser le linge, le faire bouillir dans la ponne pis la rincer à la fontaine pour enlever le lessi.

Mais j'avons aussi une belle famille : trois drollières et trois gâs. Le pu vieux, le grand sec, l'Octave, y va faire son temps, son régiment qu'on dit, à la caserne des Dunes à Potiers. ça en f'ra yen de moins à nourri ! L'autre, le raboulot, le Victor, y veux s' gager, aussi y va aller à l'assemblée de  l'accueillage des Trouais-Pigeons à Châtellerault, c'est là q'les patrons les gagent.

La Marie, yelle a veut être couturière, a rentre annuite en apprentissage chez la Germaine, une bounne pâtronne qui fait des belles robes pour quallés dames de la ville.

C'est une jolie drollière, noute Marie, a 18 ans, à qu'ou l'âge y a ben des godlureaux qui tournaient ben autour... faut faire attention à c'te heure j' voudrais pas qu'a fasse Pâques avant les Rameaux, j'avons l'oeil.

Les trouais autres vont à l'école coumme j'soumes dans un village, y vont à pied avec des galoches et leur musette sul' dos et leur manger. Une bonne graissée de pâté, des nouais, une poumme... En r'venant le souer, Justin va garder les vaches aux champs avec Finette la chienne.

Les deux autres, la Fernande et la Louise, sont ben mignounnes, a veulent toujours que j' les bige, pi alle aiment ben, pour jouer, raguouiller dans le timbre où qu'on fait bouer les vaches, ça les amuse.

Le souer, quant on a ben travaillé, toute la journaie, on est ben content avec mon bouhoumme d'avoaire à s'allonger dans l' litte sur une bounne souille pour dormi...

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http://www.accents-de-france.fr.st/ : lien vers un site consacré aux prononciations régionales du français... dont celles de Touraine.