E texte suivant est la copie des pages 528 et 529 d'un Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest de 1913. Nous l'avons reproduit à l'identique, sans modifications, avec ses fautes d'orthographe, ses répétitions et erreurs de syntaxe. Comme il est dit dans le premier alinéa, c'est l'abbé Compaing de la Tour Girard qui fit la lecture à ses collègues membres de la Société des Antiquaires de l'Ouest d'un manuscrit "conservé à Thuré" intitulé la Vie de M. le Curé Meslin. Ce document original est-il peut-être maintenant consultable aux Archives départementales de la Vienne à Poitiers ?

Lecture

M. l'abbé Compaing de la Tour Girard lit un manuscrit conservé à Thuré (Vienne) intitulé, la Vie de M. le curé Meslin. Ce manuscrit reproduit avec une simplicité touchante les dépositions d'habitants de la commune relatives aux péripéties de la Terreur dans leur village. Les témoignages paraissent avoir été recueillis par l'abbé Boutier, successeur de M. Meslin à la cure de Thuré. Voici le texte sans modifications :

 

La vie de M. le curé Meslin, en 1790 était maire de Thuré et approuvait beaucoup les états généraux, au mois de juillet 1790 la fédération eut lieu à Châtellerault dans le pré de Lessasseur, mais il n'y fut pas parce qu'il trouvait que ça commençait déjà à aller mal, quoi que cependant tous ses confrères et toute la noblesse y était. Dans la même année tous les prêtres et les nobles se rassemblèrent dans l'église Saint-Romain à Châtellerault là où chacun fit son discours, M. le curé Meslin y insultit beaucoup la noblesse en disant "mes amis nous allons tous être heureux, nous ne serons plus sous le règne de ces tirans, dont il fut repris sur son discours par le marquis de la Roche du Maine en lui disant : "Monsieur que veut dire le mot de tirans déchirez votre discours _ Monsieur je ne le déchirerai pas, déchirez-le vous-même." En1791 le serment des prêtres fut publié par le gouvernement et lui aimant beaucoup sa religion s'y refusa totalement en disant qu'il ne le ferait jamais. A Pâques suivant, il fut chassé de la cure et remplacé par un intrus, le curé l'Hillier et il restit à dire la messe dans la paroisse jusqu'au  mois d'août 1793, beaucoup aimé de ses paroissiens qui allaient à sa messe de préférence à l'autre. En 1792 vient le curé Savaton qui fit beaucoup de mal dans la paroisse. M. le curé Meslin disait la messe dans la chapelle du Sacré-Coeur et le curé Savaton au grand hôtel. Tandis que le curé Meslin disait sa messe, le curé Savaton allait à la sacristie pour faire de la peine à M. le curé Meslin, il se mettait devant lui pour lui faire de la peine. M. le curé Meslin avait acheté des chandelliers, mais le curé Savaton disait qu'ils étaient de l'église, il fit assigner le curé Meslin à remettre les chandelliers, mais le curé Meslin prouva qu'il les avait acheté de son argent et le curé Savaton perdit le procès et fut obligé de payer les frais. Le 17 août 1792 il fit venir toutes les troupes et les habitants de la ville de Châtellerault pour prendre M. Meslin et en même temps pour piller. M. Meslin fut obligé de s'en aller, ses paroissiens le cherchaient parce qu'ils avaient promis aux gens de Châtellerault de leur livrer. Aussitôt qu'il sut que ses paroissiens le cherchaient il s'eut rendu en disant "mes paroissiens me demandent je me rend à eux". Quand il fut rendu au bourg de Thuré au lieu de prendre fut très bien reçu quoi qu'ils avaient promis de le livrer, personne lui a rien dit, de là il fit faire un passeport pour s'en aller au pays étranger.

Passant par Poitiers il s'est fait rasé. Le perruquier qui le rasit lui dit "il a arrivé une drole d'affaire à Thuré, le pillage y a été fait, l'on dit que c'est le curé qui en fut la cause mais si je le tenais j'y couperais le cou". De là il s'est en nallé hors de France en entrant au pays étranger ont le foillat et on lui otit tout ce qu'il possédait, il eut la peine d'écrire à ses parents de lui envoyé un peu d'argent parce qu'il était vêtu avec un habit de papier. Il a resté au pays étranger pendant 4 ans, au bout de 4 ans, il a retourné dans sa paroisse où il été reçu les bras ouverts ; il a été logé chez Mme Turquand. Comme la terreur n'était pas encore passée, il eut la peine de faire faire plusieurs caches en cas d'événement, un jour 4 gendarmes sont venus pour le prendre ils ont été chez lagent de la commune, deux s'étant mis à la porte de Mme Turquant et deux à la porte de la veuve Pain et deux autres s'étant placé dans les derrières des clotures croyant qu'il passerait pour se sauvé ; mais ils ont bien été trompé car il n'y a pas passé parce que le signal était donné avec Elisabeth Lagrandeur et la veuve Pain en frappant des coups dans le mur. Sa voulait dire que les gendarmes arrivaient pour le prendre et aussitôt qu'il a entendu frappé, il a passé par un cartier qui était dans la cheminée et a mis le cartier tel qu'il était et de la il a été dans la cache qui était pour le sauvé. D'après les gendarmes ont entré chez Mme Turquant et la veuve Pain, ont cherché partout, ont trouvé le lit où il était couché et demanda à Mme Turquand qui avait  couché dans ce lit et Mme Turquand tout en tremblant leur a répondu que c'était sa servante. Ils ont cherché dans tous les appartements et passé plusieurs fois là où il était sans l'avoir aperçu en disant "nous ne le trouverons pas" et lui qui entendait tout cela avait grand peur. L'année d'après on était un peu plus tranquille, il allait dire la messe la nuit dans différents endroits. En 1798, il disait la messe de jour tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, il l'a dit dans une ancienne chapelle du bourg de Thuré jusqu'en 1803. Il a commencé au mois de mars 1803 à dire la messe à l'église, il y a resté jusqu'en 1824 époque de sa mort qui est arrivée le 7 mars ; il  a resté curé de Thuré 44 ans sans jamais avoir ramassé aucun bien. Le peu qu'il avait ramassé il l'a donné à la cure de Thuré, ce qu'il avait de surcroi était pour les pauvres ; il est mort n'ayant qu'un lit pour se couché. Celui de sa servante n'était pas à lui, il était à sa servante, il disait toujours qu'il était trop riche. Le jour de son enterrement les paroissiens ont eu tant de regret en lui qui sont presque venu tous à son enterrement et l'abbé Arneaudeau montet en chaire et il dit qu'il n'avait jamais tant vu de monde à son enterrement.

Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée à 10 heures.

 

 

 

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