Extraits de les Reines de France Berthe au grand pied, mère de Charlemagne, par Maurice Bedel

ES alinéas ci-dessous sont empruntés au livre paru en 1942 qu'il a consacré à la vie de la femme de Pépin le Bref, mère de Charlemagne, Berthe au grand pied, première grande reine de France. Dans nombre de ses oeuvres il fait très souvent référence à Thuré ou à ses alentours, signe incontestable de l'attachement qu'il avait pour cette région et de l'amitié qu'il portait à ceux qui l'habitaient. En voici un exemple.

Couverture de Berthe au grand pied    "Vignerons, écoutez-les, vous aussi, ces lamenteux. Peut-être parmi eux se trouve-t-il un enfant de Thuré, votre vieux bourg. Homme libre, il avait répondu à l'appel du duc Pépin levant une armée; il avait quitté son manse du rû de Piffoux, sa bonne maison de terre et de moellons couverte de fagots de brande, où sa femme, chaque année, lui donnait un enfant; il avait laissé là son bouc et son bélier, et ses chèvres et ses brebis, et tout ce qui faisait de lui un homme digne d'aller à la guerre. Il s'appelait Rimbault, ou Hodebert, ou bien Cibert, qui sont des noms qu'on porte encore aujourd'hui chez nous. Il avait rejoint l'armée au gué d'Ingrandes où Pépin passait la Vienne..."

    "(...) écoutez-moi, bonnes femmes de mon village, enfants de l'école, et vous surtout, vignerons des coteaux de Thuré, mes voisins, mes amis : je vais vous conter l'histoire d'une femme de chez nous qui s'appelait Berthe, ou bertrade, ou encore Berthe au grand pied".

    "... Détourne-toi quelques instants du gué de Cenon, que je te présente les hommes de ces coteaux, les hommes de bon entendement à qui, depuis le début, je conte ton histoire. C'est à deux pas de là, au bourg de Thuré, dont tu aperçois le clocher de pierre et les cyprès du champ des morts, un village entre les villages de ton royaume avec son épicerie qui sent le poivre et la chandelle, sa maréchalerie qui sent la corne brûlée et son auberge du Cheval-Blanc tenue par Amirault le charpentier.

    M. le maire est à sa vigne. Allons-y le trouver. Le pulvérisateur aux épaules, il traite ses rangs de folle blanche une dernière fois avant la vendange. M. le maire est républicain..."

    "(...) En passant, je te présenterai les lavandières dont les battoirs font retentir l'espace du côté du rû de la Barbelinière. Toutes de bonne composition, actives des bras et de la langue, promptes à la colère et plus promptes encore à la saine plaisanterie, déversoir des amertumes du fiel..."

    "Chaque vigneron ici fait métier d'artisan. Voici le bourrelier; il n'a qu'un oeil mais il voit clair : il découvrirait à vingt pas un virebec occupé à tourner en forme de cigare une feuille de sa vigne. Plus loin, c'est le maréchal; les nouures de ses bras n'ont-elles pas des mouvements de vieux cep ? Poussard, le menuisier, est à son établi; allons écouter le chant de sa varlope. Et voici M. le curé; il ne vigneronne pas, toutefois son teint de rose, son regard est rieur, sa bouche est en fleur : ce sont les signes d'une heureuse nature où le vin, sois-en sûre, a sa modeste part. (...) Je ne te présente pas des princes de la pensée, des héros de l'action; je te présente des hommes. Chacun fait au mieux ce qu'il fait et brode sur le canevas de la tradition un point de sa façon : à ce point tu reconnaîtras la manière des hommes libres de chez nous..."

    "(...) Coupons au plus court par Beauregard et le gué de l'Envigne à la Fond-Fermée..."

Intérieur poitevin (Arthur Gué) _ Aquarelle musée de Poitiers

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