Nos proches voisins, les vignerons tourangeaux, vus par Maurice Bedel

A un jeune écrivain étranger impatient de connaître notre pays, Maurice Bedel donnait ce conseil : "La France est une dame dont les vertus sont éclatantes, mais qui les cache par modestie nationale. Nul doute qu'à Vouvray, vous ne la trouviez et la sentiez, cette France, telle qu'elle est réellement dans tout l'éclat de ses vertus."

Pressoir à grand point XVIIIe siècle

Pressoir à grand point XVIIIe siècle

IERRE BREJOUX dans "les Vins de Loire" (Collection Cuisine et Vins de France) illustré des dessins de Ralph Soupault, imprimé en 1956, écrit : "On demandait un jour à Maurice Bedel : "Si toutes les vignes de France devaient être détruites, et qu'il ne reste que trois vignobles, lesquels voudriez-vous conserver ?" L'écrivain qui est mort l'an passé, répondit : "En un pareil cataclysme, il faudrait garder sa bonne humeur. Je sauverais donc, sans hésiter, le vignoble de Vouvray. Je sauverais le vin dont on a dit bien des fois qu'il était du soleil en bouteille. Je ne connais pas de vin qui porte autant que lui à l'euphorie, ou même simplement à la sérénité. Il désenchevêtre en deux ou trois lampées les neurones les plus englués de mélancolie : il délie les langues, éclaire le regard. On n'en dira jamais assez le génie. Ensuite je courrais à Chinon, puis à Bourgueil. Foin des grands crus ! La gentillesse d'abord. Le chinon sent la violette ; le bourgueil, la framboise. Avec des parfums comme ceux-là, doucement transportés de la bouteille au verre, et du verre au gosier, on traverse la vie la fleur à la bouche et le fruit aux lèvres. Que peut-on souhaiter de mieux ?"

Plus loin, parlant du vigneron, on peut lire :

Pressoirs Mabille à Amboise, une des plus grandes maisons de fabrication de pressoir. (Rien à voir avec la présidente de TMC, Mme Mabille)

"Qu'il soit de Montlouis, de Chinon, de Savennières, qu'il cultive sa vigne autour de la lanterne de Rochecorbon, ou jouxte la pile de Cinq-Mars, c'est un homme comme on n'en voit nulle part à travers le monde... Il est amateur de vigne comme on est amateur de tulipes ou d'orchidées : il l'est avec amour. Le plus souvent, sa vigne n'est pas grande, elle mesure quelques arpents; il l'entoure de soins inquiets, il la choie, il veille passionnément sur son destin; elle est son enfant unique. Elle est plantée en bordure du coteau qui domine sa maison fleurie, dans un mélange d'argile et de calcaire qui la tient en son aise..." "... Et les heures passent. Le vigneron est là, seul avec ses pensées. L'air est léger à ses poumons, la terre est légère à sa vigne. Vigneron de Touraine, vigneron d'Anjou, je connais peu de types d'homme de la terre qui aient tant d'affinités que celui-là avec le poète et l'artiste. Ses gestes sont appliqués et précis, gestes d'orfèvres et d'anatomiste. Son langage est plein de grâce : il dit de la grappe future qu'elle sera ailée; il parle de la belle robe de son vin, dont il garantit qu'il est aimable à boire; qu'il est bouqueté; qu'il a du charme et du moelleux. Il est subtil connaisseur du jus de son pineau et de son breton : il sait en apprécier le corps, l'ampleur et la finesse. Ravissantes tournures de paroles qui résistent aux atteintes de la vulgarité : celui qui les emploie est un seigneur, il est sire de sa vigne..."

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NB : si ceci vous a donné envie d'aller faire une cure du côté de Vouvray pour y soigner votre mélancolie, attention au retour si vous conduisez car quelquefois, le pandore veille. ;o)