Ce premier texte écrit en 1912 est prémonitoire. Ou, plus vraisemblablement, dans l'air du temps. N'attendait-on pas la "revanche" depuis 1871 ? Il nous rappelle aussi que cette Grande Guerre était prévue, préparée (mal peut-être) et malheureusement inéluctable.

A nos amis

Entendez-vous là-bas tout là-bas

Nos canons crachant la mitraille ?

Et dans un furieux branle-bas

Font encor gagner une bataille

Serbes, Bulgares, Grecs, Monténégrins

Se servent bien de nos joujoux

Et aux accents de leurs crincrins

Mettent en danse les Krupps jaloux.

Oui la France par son génie

Leur a fourni des jours de gloire

Foulant aux pieds la tyrannie

Aux Turcs prenant leur territoire.

Comme au vieux temps des croisades

La Croix du bon Dieu tout puissant

Dominant dans les fusillades

A encor vaincu le croissant.

Amis comme eux levons la tête

Travaillons pour la liberté

Et qu'en ce jour, ce jour de fête

Soit un jour de fraternité.

Préparons-nous tous pour la guerre

Notre devise est "toujours prêts"

Et s'il le faut à la frontière

Nous irons tous et sans regret.

Notre société vivra

Et nous en sommes tous fort aise

Et l'histoire un jour dira

C'est parce qu'elle était Française.

                                   16 novembre 1912. Emile Chamfays.

 

Les suivants sont moins cocorico que le précédent, mais tout aussi gaulois, plus souriants, écrits en patois ou plutôt en parler poitevin.

Un bon miote (Patois de Thuré)

Par un temps d' chalin'e au mois d'août

Qu'au fait bon d' manger un miote.

O fait du piezi à tertous

Quand y dévall' dans le jabot.

Rabelais dit dans ses mémoires,

Quand il décrit son Gargantua,

Nous le répèt' dans des grimoires,

Qu' c'était la soupe à ce gosse-là.

Six veltés et d' vin pour commencer,

Dix-huit fouaces, cassemuses et pain.

C'était là le p'tit déjeuner

D' celui qu' Rabelais a peint.

Moi itou j'aime un bon miote,

Avec mon vin des Abergeons,

Qui grouill' des oeils coum' ine cocotte,

Et raffraîchit cré nom de nom.

Après, on chante les louanges

Du pèr'e Noé qui fit le vin.

On remercie Dieu et les anges

D' n'avoir donné ce jus divin.

                                            E. Chamfays.

 

Le Martinage des vins

= vieille coutume (Patois de Thuré)

J'avons fait l' Martinage l' lend'main d' la St-Martin.

Car oul' est un usage que c' jour-là on martine les vins.

On s' fait pas biaucoup d' bile et le ceillier entend

Des vertes et des pas mures et tout l' monde est content.

On goûte d'abord in tonne, épè tant qu' i en a

Chacun caus' et explique le goût que ce vin a.

Pierre dit qui sera bon, mais faut qui faiz' ses Pâques,

Pour qui souet bin moins dur à l'estoumal dit Jacques.

Pé dans un autr' ceiller on recommence la danse,

En f' sant tout pien d' faux pas comme pour in' contredanse.

On est pas dégoûté n'on bouè dans la même tasse,

Epè on fait la ronde pour que le vin s'entasse !

J'en a encor a bouère et piu d'ine bolée

Car y a piu d'in' barrique qu'a pas été goûtée.

Et c'est pas l' pu chéti qu'on gard' pour le dernier

Car y coul' pas si bin que dévallait l' premier.

Jean contait ine histouère de loup garoux, de revenants,

qui vous fesait trembier et brailler en même temps.

Pour chasser le chagrin on bouevait un aut' coup,

Et l' chagrin s'en allait avec un coup d'vin doux.

V'la medi qui soun' le mitant d' la jornée,

Et n'on a pas fait cor la mocquié d' la tournée.

On part chez l' père Gustin goûter tout's les barriques,

Et bouer' chacun son verre là d'sus y a pas d' répliques.

Pé, coum on avait faim, on mag' un bon formage

Qu'était biaucoup salé pour fair' bouer' davantage

De cou joli vin bianc qui dévall' dans l' ca???

En nous rendant heureux et mettant le coeur en piace.

On l'appell' Val de Loire quiau bon vin de Thuré

Fait d' vigne folle et d' ch'nin qui font un vin sucré

Vin qui s' laisse si bin bouère qu'on n' s'en lasse jamais

Avec ine potée d' châtignes qui sont douces au palais.

Asteur on cont' les verres qu'on a bu d'pé l' matin

J'en trouv' trent' sept pas y un d' pus pas y un de moins,

N' pouvions pas m' contredire j' cochais à chaque foué

C' que chacun avions bu sur ine baguette en boué.

On l'était gais en partant mais gare à l'arrivée,

Y' avait l' manch' à balais derrière la port' d'entrée

Manch' qu'est dur pour l'échine et ma femme ou sait bin

Car all' tap' biaucoup fort sur mon pauvr' casaquin.

J' tâchais d' l'amadouer tout étant par terre

J'y disais ben taize-toué mais a voulait pas s' taire,

Mes amis écoutions en attendant leur tour

Car chez yeux leur bourgeoises, tapp'ront bin à leu tour.

Ma femme gueulait terjou faisant marcher sa trique,

M' disant tout' sortes de noms, call' sacrée vielle bourrique.

Quand sa rage fut passée a laissa mes pouvres reins

Qu'avont un souvenir du lendemain d' la St-Martin !

                                                 Novembre 1934. E. Chamfays.

 

Le quatrième, qui n'est pas en patois, est dédié par l'auteur à M. de Fremond de la Merveillère. Ne connaissant pas le motif qui a inspiré ces vers il est difficile de savoir s'il est un libelle assassin ou un billet de soutien.

... à Monsieur de Fremond de la Merveillère

Le Moineau Blessé

Ne pouvant créer il ne faut rien détruire.

Il était tombé de son nid

Et s'était brisé une patte.

Il geignait et poussait un cri

Se roulant sur la terre plate.

Sa mère très jolie moinille

Sautillait tout autour de lui.

Partout l'amour de la famille

Même chez les oiseaux survit.

Je m'approchais tout doucement,

En effarouchant pas la mère

Qui jetait un cri angoissant

De peur, de courroux, de colère.

Puis je ramassais le blessé

Et qui bien haut levait la tête

En cherchant bien à s'envoler

Jetant des cris la pauvre bête.

J'y mis alors une palette,

Faite avec un roseau fendu.

Huit jours après la mignonnette

Sautillait et ne boitant plus.

Je le revis sur la toiture,

Avec sa mignonne maman,

Chantant l'été et la nature,

Et de moi point ne s'occupant.

Car les moineaux sont comme les hommes

Oublient très souvent les bienfaits,

N'ont-ils pas raison en somme

Car l'oubli a beaucoup d'attraits.

                                                                    E. Chamfays.

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Emile (°1863 - +1937) ici en 1864 entouré de son père Abel-Isidore Champfailly, sa mère Sophie Dupuy et sa soeur Marie-Angèle.

 http://gw.geneanet.org/pouffarin1

A nos morts (1)

de la Grande Guerre 1914-1918

Chante, chante, vieux coq gaulois.

Chante l'Aigle Noir aux abois !

Chante la France en toute sa gloire.

Que ton chant jette aux échos

Que nous n'avons pas perdu la mémoire

De tes joyeux cocoricos

Lors la fuite des Boches du territoire.

Toi sur la hampe des drapeaux

Tu volais, tu volais à la Victoire,

Et les Poilus en vrais lionceaux,

Te suivaient sur le chemin de la gloire.

Chante pour ces petits Poilus

Qui sont morts en défendant notre France !

Chante leurs noms qui seront lus.

Chante dans le monde leur endurance.

........................................................

Chante pour eux qui n'ont pour tombe

A Dixmude, Verdun, Reims ou ailleurs,

Dans les champs rien qu'un trou de bombe.

Bien loi, bien loin de la maman en pleurs...

Chante avec le vieux poète,

Et chante avec lui qui verse un pleur

Et de ses vers sois l'interprète;

Des mauvais vers ! mais qui viennent du coeur.

E. Chamfays.

Thuré, novembre 1925.


A nos morts (2)

de la Grande Guerre 1914-1918

A l'ombre du clocher, dormez chers Poilus ;

Que vos noms glorieux, par les passants soient lus.

Vous avez mérité, que pour vous chacun prie.

 

Quand la France en danger appela ses enfants,

Vous partîtes en chantant des airs triomphants.

Vers le Rhin, la Champagne ou la noble Belgique.

Vous étonniez le Monde, vous étiez héroïques.

 

Vous étiez vraiment beaux : quand dans la rafale,

Sans souci du danger, la chanson de la balle

Ne vous faisait pas peur. Oubliant la souffrance,

Vous étiez vraiment grands ! petits soldats de France.

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La mort vous a fauchés avant que la Victoire

Vous eût tendu sa main auréolée de gloire.

Loin de vos chers enfants, bien loin de vos compagnes,

Loin de vos mamans, bien loin de vos campagnes.

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Allons ! debout les morts ! sortez de vos cercueils !

Venez à notre fête, laissez-là vos linceuls,

Venez donc parmi nous, votre place est ici !

Et nous pourrons vous dire un solennel merci !

Thuré, 11 Novembre 1923.

Emile Chamfays.