ITUE sur la commune de
Thuré, le souterrain de La Plante bénéficie à
l'est de celle-ci d'une situation favorable,
dominant la vallée de la Vienne, il est
installé sur la bordure est d'une bande de
calcaire crétacé. Cette bande turonienne
parallèle à la vallée a facilité
l'installation de nombreux souterrains et
favorisé un établissement humain très ancien.
Son entrée actuelle se trouve a 130 mètres
d'altitude. Il a très vite été l'objet de
recherches et publications.
Les découvertes
antérieures
Les premières
recherches connues sont celles de l'abbé
Lalanne en 1859. Il publie dans son histoire
du Châtelleraudais la description du
souterrain.
"L'entrée des
souterrains de La Plante est aujourd'hui
d'un accès très facile par suite des déblais
considérables que le propriétaire a fait
pratiquer sur sa face méridionale. On s'y
engage par un couloir étroit se contournant
dans une longueur d'environ 12 mètres. A cette
distance se trouve un puits sorte de
chausse-trappe... Le même couloir se prolonge
encore de 5 mètres, et là présente une
bifurcation à angle droit tournant d'un côté à
l'ouest puis au nord et se terminant par un
long et étroit cul de sac ; de l'autre et à
l'est et vient aboutir à deux chambres sises,
l'une au nord, l'autre à l'est.
A l'entrée de la salle
orientale, en face de celle du nord existe un
autre couloir précédé d'un puits. Des
éboulements empêchent de le parcourir. Cette
salle a 7 m de long, 3 de large et 2 de haut.
On y remarque comme dans la précédente, deux
tuyaux aériens et de plus une sorte de guérite
taillée dans le roc au midi. Au fond et à
l'est débouche un autre couloir au milieu
duquel et dans toute sa largeur est un puits,
après lequel le passage se trouve
immédiatement réduit en gueule de four. Trois
corridors bifurquant à l'est, au nord et au
midi aboutissent à cette gueule de four. Ces
passages sont maintenant interceptés. Celui du
nord conduit à une salle dans laquelle ont pu
pénétrer il y a 15 ans MM. Baudy (propriétaire
de La Plante), Poirier et Beaupoil.
Ils s'y introduisirent
par une
sorte de porte ronde
suivie d'un puits. Cette dernière salle,
plus spacieuse que les deux autres, est de
forme oblongue. On y a aménagé des bancs
taillés dans le tuffeau, et les explorateurs
dont nous venons de parler y ont recueilli un
fer de flèche très frustre de 8 cm de
longueur."
D'autres découvertes
eurent lieu à cette époque et furent publiées
dans le Bulletin de la Société des Antiquaires
de l'Ouest 1re série, n° 10 1862 - 65 p. 270
et suivantes.
"Monsieur Longuemar...
a eu l'occasion de constater enfin l'existence
de quelques-unes de ces sépultures
gallo-romaines trouvées et décrites sur
plusieurs points de France.
Ces sépultures placées
près de l'entrée même du souterrain de La
Plante et mises à découvert par les travaux de
terrassement du propriétaire, mais dont il ne
reste malheureusement plus de trace
actuellement ont été étudiées par M. Baudy.
Elles consistaient en trous cylindriques
pratiqués dans le tuffeau à une profondeur de
1 mètre sur 0,40 à 0,50 m. de diamètre et
rangées circulairement autour d'un trou
central de 3 mètres de diamètre sur 1 mètre de
profondeur. Au fond de ces trous gisait une
couche de cendre, et la terre qui les comblait
a offert des ossements
|
parmi lesquels M.
Baudy a reconnu des fragments de bois de cerf
et des défenses de porc ou de sanglier.
Ces sépultures qui
semblent contemporaines du souterrain-refuge,
assigneraient à ces retraites une date
remontant au moins à l'ère de l'occupation
romaine, pendant laquelle les Gaulois soumis,
adoptèrent le mode de sépultures à Ustion...
M. de Longuemar voit dans la disposition des
sépultures de La Plante une sorte de cimetière
de tribu ou famille. L'imitation de ces
sépultures gallo-romaines par les habitants
gaulois de La Plante nous paraît bien
évidente."
Les travaux
de sondage
... A notre arrivée,
le souterrain ne continuait guère au-delà de
la grande salle décrite par l'abbé Lalanne.
Notre première tâche fut donc de vider les
différents silos à ravitaillement de la
partie
connue. Ils ont livré
un nombre non négligeable de poteries de
différentes époques. Le silos n° 5 fut laissé
intact, la salle C fouillée en partie et
l'autre moitié laissée comme butte-témoin.
Dans la partie fouillée se trouvait un col
cassé d'une poterie moyenâgeuse.
Ensuite de façon à
progresser le plus rapidement possible, nous
nous sommes contentés de déblayer la terre
nécessaire au passage, laissant plus d'un
mètre de couches archéologiques (?) intactes.
Notre avance fut stoppée par une cheminée
d'aération d'un volume de 5 à 6 m3, construite
en même temps que le château. Par la suite,
elle fut entièrement comblée afin d'isoler une
fosse septique qu'il nous fallut franchir.
L'installation d'une buse à la base de cette
fosse asséchée permit d'accéder à une galerie
vide de déblais. Après une bifurcation à
l'ouest, une deuxième gueule de four donne
accès à la salle D. A l'intérieur de celle-ci,
le silo n° 6 a été sondé de moitié sans
résultat. Cette salle possède en outre un
renfoncement qui a pu servir de banquette.
Elle se continue à l'ouest par un couloir
actuellement obstrué.
... Différents
problèmes apparaissent après ces travaux. Les
découvertes antérieures placent ce souterrain
à l'époque gallo-romaine. On peut ajouter
cependant que l'aspect du souterrain est
gaulois. La réutilisation postérieure est
démontrée par une grande quantité de fragments
de poteries moyenâgeuses. A côté de poteries
grossières brunes, figure un nombre non
négligeable de fragments de poteries vertes et
vernies. On trouve également des poteries plus
fines roses, blanches ou striées _ certaines
sont noircies par le feu. Deux morceaux
d'une de ces poteries noircies par le feu ont
été découvertes dans deux silos différents et
voisins. Elle avait donc été cassée avant
d'être jetée dans ces silos.
Un autre aspect est
également mis en évidence. il existe deux
possibilités de recherche dans la continuation
des galeries :
_ un réseau parallèle
à la salle B vers le sud avec
lequel communiquent
différents boyaux obstrués, et le conduit
acoustique de cette salle ;
_ une galerie vers
l'ouest après la salle C. Or
à l'extérieur du souterrain vers
l'ouest également, une partie effondrée est
visible à environ 200 m de cette galerie. Le
rapprochement entre les deux est possible. L'examen de la
cheminée de 5 m de haut permet de placer sa
construction en même temps que le
|
premier château de
LaPlante (XVIIe siècle). La cave actuelle du
château présente des puits analogues. En outre
des feuillures de portes récentes permettent
de conclure à une utilisation comme
prolongement de la cave du château.
Essai d'architecture
souterraine
L'ensemble du
souterrain est formé de galeries voûtées d'une
hauteur de 1,50 m à 2 m. Deux outils au moins
semblent avoir servis à la taille des galeries
: un outil à la lame large de 2 cm, un pic
effilé.
Les marques de ces
outils se retrouvent sur toute la surface du
souterrain. Plusieurs utilisations
apparaissent dans l'aménagement de ce
souterrain. Elles ont permis à des hommes de
vivre ou de survivre.
... Moyens de vie :
Une série de trous,
percés au plafond des salles à raison de 2 ou
3 pour les grandes salles et d'un seul dans la
salle C plus petite, permettaient l'aération
du souterrain.
L'importance de ce
nombre est à souligner. D'aspect conique, ils
ont une profondeur de 2 m environ. Ceux de la
salle B sont plus petits. L'accès d'un
diamètre de 40 à 60 cm présente souvent une
encoche, sans doute due aux frottements des
cordes. Cela peut confirmer une utilisation
comme réserve à grain ou à nourriture.
De nombreuses niches
(45) couvrent l'ensemble des galeries. Elles
ont une profondeur et une largeur de 9 cm et
sont de forme pyramidale. Elles sont
installées indifféremment d'un seul côté, en
quinconce, ou l'une en face de l'autre.
La première
utilisation est celle de niche à lampe. Si
l'on considère l'espace de galerie situé entre
chaque système de défense, les niches sont
placées à proximité sans doute pour en
faciliter l'ouverture ; on les trouve aussi
aux carrefours de galeries, près des passages
en gueule de four ou dans la galerie même. La
galerie sans issue en est particulièrement
riche. Peut-être les bâtisseurs de ce
souterrain ont-ils creusé les niches au fur et
à mesure de leur avance pour éclairer leurs
travaux. Il faut cependant noter la différence
d'aspect de cette galerie avec le reste du
souterrain.
L'utilisation comme
main courante pour progresser dans l'obscurité
est également à envisager. Le nombre de niches
leur disposition, leur position à hauteur de
main d'homme le permet. Ainsi seules les
salles avaient été éclairées.
Si l'utilisation
complémentaire de ces deux moyens n'est pas
prouvée, il n'en reste pas moins vrai que les
salles (B, D) ne comportant pas de niche,
étaient éclairées d'une façon différente.
Il faut mentionner
aussi l'existence de trois anneaux
dans la salle B. L'un est à 50 cm du sol,
l'autre à plus d'un mètre. Ils ont pu servir à
accrocher des prisonniers, du bétail ou de la
nourriture. Le souterrain possède deux banquettes
dont l'une se situe à proximité immédiate du
silo IV.
Il était fait pour
protéger ses habitants et il n'est pas
étonnant d'y trouver une série d'aménagements
conçus dans ce but.
... Moyens de
défense :
Les feuillures ou
rainures de fermeture (7) servaient à
obstruer les galeries et les salles. Elles
sont disposées à l'intérieur des galeries, il
y en a trois de l'entrée du souterrain à la salle
C. On les trouve aussi à l'entrée ou à la
sortie des salles (A, B, C). Certaines
portaient des portes de bois ou de silex, comme il en existe
encore
une dans les souterrains de
|
Colombiers (Vienne),
les autres soutenaient des madriers.
Des passages en gueule
de four complétaient l'aménagement
défensif. Le souterrain en comporte deux à
l'entrée des salles C et D. L'un d'eux est
précédé d'un silo.
... Moyens cultuels
:
La présence de
sépultures gauloises à l'entrée du souterrain
fait aussitôt songer à l'existence d'un culte
des morts. La réutilisation au Moyen Age de ce
souterrain attestée par la présence de
poteries cassées dans différents silos peut
conduire à la même hypothèse.
Cependant aucune
preuve archéologique n'a été découverte lors
de nos sondages et ne permet de confirmer à
l'heure actuelle l'existence d'un tel culte.
La poursuite des
travaux et l'examen minutieux des indices
permettra peut-être d'éclaircir ce sujet.
Ce souterrain est un
exemple assez frappant de souterrain-refuge.
Pourvu de nombreux silos, d'habiles systèmes
défensifs, il devait fournir à des habitants
temporaires une protection suffisante aux
dangers qu'ils pouvaient rencontrer.
"Oppidum", "castrum", souterrain-refuge,
château fort, ces temps passés ont bien la
même conception de la défense. Mais en
définitive ce souterrain-refuge originel a eu
des utilisations multiples.
Il existait à l'époque
gallo-romaine et on aménagea devant son entrée
une série de sépultures.
Au Moyen Age il fut
réutilisé à des fins mal définies.
Au XVIIe siècle, un
château, construit au-dessus du souterrain
communiquait avec lui. Une cheminée de
ventilation comme il en existe dans la cave du
château intercepta une des galeries. Rasé, le
château fut reconstruit. Au XIXe une fosse
septique l'occupait en partie. Dès lors le
souterrain fut séparé de la cave du château.
Ces multiples
utilisations traduisent bien la complexité des
souterrains de notre région.
Patrick PIBOULE.
Bibliographie
sommaire. _ Longuemar
(de) : Les souterrains-refuges
découverts dans l'ancien Poitou.
Mémoires de la société des
antiquaires de l'Ouest - 1855.
Lalanne (l'abbé) :
Histoire du Châtelleraudais -
1859.
Piboule P., Grimal P.-F. :
Le souterrain aménagé de la Plante, in
Bulletin de la Société des
Antiquaires de l'Ouest, 1970, 4.
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Documents
: Jérôme
et Laurent Triolet, les
deux grands spécialistes actuels des
cavités souterraines nous apprennent
dans "Souterrains du
Centre-Ouest" (Ed. la
Nouvelle république) qu'"en 1970
Patrick Piboule rédigea un
mémoire de maîtrise intitulé
"les Souterrains aménagés du
Châtelleraudais". Ce travail
remarquable, du plus haut intérêt,
malheureusement tombé quelque peu
dans l'oubli, recensait une
trentaine de cavités. Cet
inventaire mériterait aujourd'hui
d'être complété ; de nouveaux
souterrains se sont ouverts et,
dans d'autres réseaux, certaines
salles sont devenues accessibles."
>>
Mémoire consultable à
la bibliothèque universitaire de
Poitiers.
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