Le document ci-dessous décrivant le souterrain aménagé de La Plante, rédigé par Patrick Piboule et diffusé au début des années 70 par le Spéléo-club châtelleraudais, est consultable à la bibliothèque municipale de Châtellerault. Il est agrémenté de photos et de plans non reproduits ici.


ITUE sur la commune de Thuré, le souterrain de La Plante bénéficie à l'est de celle-ci d'une situation favorable, dominant la vallée de la Vienne, il est installé sur la bordure est d'une bande de calcaire crétacé. Cette bande turonienne parallèle à la vallée a facilité l'installation de nombreux souterrains et favorisé un établissement humain très ancien. Son entrée actuelle se trouve a 130 mètres d'altitude. Il a très vite été l'objet de recherches et publications.

Les découvertes antérieures

Les premières recherches connues sont celles de l'abbé Lalanne en 1859. Il publie dans son histoire du Châtelleraudais la description du souterrain.

"L'entrée des souterrains de La Plante  est aujourd'hui d'un accès très facile par suite des déblais considérables que le propriétaire a fait pratiquer sur sa face méridionale. On s'y engage par un couloir étroit se contournant dans une longueur d'environ 12 mètres. A cette distance se trouve un puits sorte de chausse-trappe... Le même couloir se prolonge encore de 5 mètres, et là présente une bifurcation à angle droit tournant d'un côté à l'ouest puis au nord et se terminant par un long et étroit cul de sac ; de l'autre et à l'est et vient aboutir à deux chambres sises, l'une au nord, l'autre à l'est.

A l'entrée de la salle orientale, en face de celle du nord existe un autre couloir précédé d'un puits. Des éboulements empêchent de le parcourir. Cette salle a 7 m de long, 3 de large et 2 de haut. On y remarque comme dans la précédente, deux tuyaux aériens et de plus une sorte de guérite taillée dans le roc au midi. Au fond et à l'est débouche un autre couloir au milieu duquel et dans toute sa largeur est un puits, après lequel le passage se trouve immédiatement réduit en gueule de four. Trois corridors bifurquant à l'est, au nord et au midi aboutissent à cette gueule de four. Ces passages sont maintenant interceptés. Celui du nord conduit à une salle dans laquelle ont pu pénétrer il y a 15 ans MM. Baudy (propriétaire de La Plante), Poirier et Beaupoil.

Ils s'y introduisirent par une 

sorte de porte ronde suivie d'un  puits. Cette dernière salle, plus spacieuse que les deux autres, est de forme oblongue. On y a aménagé des bancs taillés dans le tuffeau, et les explorateurs dont nous venons de parler y ont recueilli un fer de flèche très frustre de 8 cm de longueur."

D'autres découvertes eurent lieu à cette époque et furent publiées dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest 1re série, n° 10 1862 - 65 p. 270 et suivantes.

"Monsieur Longuemar... a eu l'occasion de constater enfin l'existence de quelques-unes de ces sépultures gallo-romaines trouvées et décrites sur plusieurs points de France.

Ces sépultures placées près de l'entrée même du souterrain de La Plante et mises à découvert par les travaux de terrassement du propriétaire, mais dont il ne reste malheureusement plus de trace actuellement ont été étudiées par M. Baudy. Elles consistaient en trous cylindriques pratiqués dans le tuffeau à une profondeur de 1 mètre sur 0,40 à 0,50 m. de diamètre et rangées circulairement autour d'un trou central de 3 mètres de diamètre sur 1 mètre de profondeur. Au fond de ces trous gisait une couche de cendre, et la terre qui les comblait a offert des ossements 

parmi lesquels M. Baudy a reconnu des fragments de bois de cerf et des défenses de porc ou de sanglier.

Ces sépultures qui semblent contemporaines du souterrain-refuge, assigneraient à ces retraites une date remontant au moins à l'ère de l'occupation romaine, pendant laquelle les Gaulois soumis, adoptèrent le mode de sépultures à Ustion... M. de Longuemar voit dans la disposition des sépultures de La Plante une sorte de cimetière de tribu ou famille. L'imitation de ces sépultures gallo-romaines par les habitants gaulois de La Plante nous paraît bien évidente."

 

Les travaux 

de sondage

 

... A notre arrivée, le souterrain ne continuait guère au-delà de la grande salle décrite par l'abbé Lalanne. Notre première tâche fut donc de vider les différents silos à ravitaillement de la partie  

connue. Ils ont livré un nombre non négligeable de poteries de différentes époques. Le silos n° 5 fut laissé intact, la salle C fouillée en partie et l'autre moitié laissée comme butte-témoin. Dans la partie fouillée se trouvait un col cassé d'une poterie moyenâgeuse.

Ensuite de façon à progresser le plus rapidement possible, nous nous sommes contentés de déblayer la terre nécessaire au passage, laissant plus d'un mètre de couches archéologiques (?) intactes. Notre avance fut stoppée par une cheminée d'aération d'un volume de 5 à 6 m3, construite en même temps que le château. Par la suite, elle fut entièrement comblée afin d'isoler une fosse septique qu'il nous fallut franchir. L'installation d'une buse à la base de cette fosse asséchée permit d'accéder à une galerie vide de déblais. Après une bifurcation à l'ouest, une deuxième gueule de four donne accès à la salle D. A l'intérieur de celle-ci, le silo n° 6 a été sondé de moitié sans résultat. Cette salle possède en outre un renfoncement qui a pu servir de banquette. Elle se continue à l'ouest par un couloir actuellement obstrué.

... Différents problèmes apparaissent après ces travaux. Les découvertes antérieures placent ce souterrain à l'époque gallo-romaine. On peut ajouter cependant que l'aspect du souterrain est gaulois. La réutilisation postérieure est démontrée par une grande quantité de fragments de poteries moyenâgeuses. A côté de poteries grossières brunes, figure un nombre non négligeable de fragments de poteries vertes et vernies. On trouve également des poteries plus fines roses, blanches ou striées _ certaines sont noircies par le feu.  Deux morceaux d'une de ces poteries noircies par le feu ont été découvertes dans deux silos différents et voisins. Elle avait donc été cassée avant d'être jetée dans ces silos.

Un autre aspect est également mis en évidence. il existe deux possibilités de recherche dans la continuation des galeries :

_ un réseau parallèle à la salle B vers le sud avec

lequel communiquent différents boyaux obstrués, et le conduit acoustique de cette salle ;

_ une galerie vers l'ouest après la salle C. Or à l'extérieur du souterrain vers l'ouest également, une partie effondrée est visible à environ 200 m de cette galerie. Le rapprochement entre les deux est possible. L'examen de la cheminée de 5 m de haut permet de placer sa construction en même temps que le 

premier château de LaPlante (XVIIe siècle). La cave actuelle du château présente des puits analogues. En outre des feuillures de portes récentes permettent de conclure à une utilisation comme prolongement de la cave du château.

 

Essai d'architecture souterraine

L'ensemble du souterrain est formé de galeries voûtées d'une hauteur de 1,50 m à 2 m. Deux outils au moins semblent avoir servis à la taille des galeries : un outil à la lame large de 2 cm, un pic effilé.

Les marques de ces outils se retrouvent sur toute la surface du souterrain. Plusieurs utilisations apparaissent dans l'aménagement de ce souterrain. Elles ont permis à des hommes de vivre ou de survivre.

 

... Moyens de vie :

Une série de trous, percés au plafond des salles à raison de 2 ou 3 pour les grandes salles et d'un seul dans la salle C plus petite, permettaient l'aération du souterrain.

L'importance de ce nombre est à souligner. D'aspect conique, ils ont une profondeur de 2 m environ. Ceux de la salle B sont plus petits. L'accès d'un diamètre de 40 à 60 cm présente souvent une encoche, sans doute due aux frottements des cordes. Cela peut confirmer une utilisation comme réserve à grain ou à nourriture.

De nombreuses niches (45) couvrent l'ensemble des galeries. Elles ont une profondeur et une largeur de 9 cm et sont de forme pyramidale. Elles sont installées indifféremment d'un seul côté, en quinconce, ou l'une en face de l'autre.

La première utilisation est celle de niche à lampe. Si l'on considère l'espace de galerie situé entre chaque système de défense, les niches sont placées à proximité sans doute pour en faciliter l'ouverture ; on les trouve aussi aux carrefours de galeries, près des passages en gueule de four ou dans la galerie même. La galerie sans issue en est particulièrement riche. Peut-être les bâtisseurs de ce souterrain ont-ils creusé les niches au fur et à mesure de leur avance pour éclairer leurs travaux. Il faut cependant noter la différence d'aspect de cette galerie avec le reste du souterrain.

L'utilisation comme main courante pour progresser dans l'obscurité est également à envisager. Le nombre de niches leur disposition, leur position à hauteur de main d'homme le permet. Ainsi seules les salles avaient été éclairées.

Si l'utilisation complémentaire de ces deux moyens n'est pas prouvée, il n'en reste pas moins vrai que les salles (B, D) ne comportant pas de niche, étaient éclairées d'une façon différente.

Il faut mentionner aussi l'existence de trois anneaux dans la salle B. L'un est à 50 cm du sol, l'autre à plus d'un mètre. Ils ont pu servir à accrocher des prisonniers, du bétail ou de la nourriture. Le souterrain possède deux banquettes dont l'une se situe à proximité immédiate du silo IV.

Il était fait pour protéger ses habitants et il n'est pas étonnant d'y trouver une série d'aménagements conçus dans ce but.

... Moyens de défense :

Les feuillures ou rainures de fermeture (7) servaient à obstruer les galeries et les salles. Elles sont disposées à l'intérieur des galeries, il y en a trois de l'entrée du  souterrain à la salle C. On les trouve aussi à l'entrée ou à la sortie des salles (A, B, C). Certaines portaient des portes de bois ou de silex, comme il en existe encore une dans les souterrains de

M.
                                  Louis Compaing de la Tour Girard qui
                                  nous a gentiment montré l'entrée du
                                  souterrain.

Colombiers (Vienne), les autres soutenaient des madriers.

Des passages en gueule de four complétaient l'aménagement défensif. Le souterrain en comporte deux à l'entrée des salles C et D. L'un d'eux est précédé d'un silo.

... Moyens cultuels : 

La présence de sépultures gauloises à l'entrée du souterrain fait aussitôt songer à l'existence d'un culte des morts. La réutilisation au Moyen Age de ce souterrain attestée par la présence de poteries cassées dans différents silos peut conduire à la même hypothèse.

Cependant aucune preuve archéologique n'a été découverte lors de nos sondages et ne permet de confirmer à l'heure actuelle l'existence d'un tel culte.

La poursuite des travaux et l'examen minutieux des indices permettra peut-être d'éclaircir ce sujet.

Ce souterrain est un exemple assez frappant de souterrain-refuge. Pourvu de nombreux silos, d'habiles systèmes défensifs, il devait fournir à des habitants temporaires une protection suffisante aux dangers qu'ils pouvaient rencontrer. "Oppidum", "castrum", souterrain-refuge, château fort, ces temps passés ont bien la même conception de la défense. Mais en définitive ce souterrain-refuge originel a eu des utilisations multiples.

Il existait à l'époque gallo-romaine et on aménagea devant son entrée une série de sépultures.

Au Moyen Age il fut réutilisé à des fins mal définies.

Au XVIIe siècle, un château, construit au-dessus du souterrain communiquait avec lui. Une cheminée de ventilation comme il en existe dans la cave du château intercepta une des galeries. Rasé, le château fut reconstruit. Au XIXe une fosse septique l'occupait en partie. Dès lors le souterrain fut séparé de la cave du château.

Ces multiples utilisations traduisent bien la complexité des souterrains de notre région.

Patrick PIBOULE.

 

Bibliographie sommaire. _ Longuemar (de) : Les souterrains-refuges découverts dans l'ancien Poitou. Mémoires de la société des antiquaires de l'Ouest - 1855.

Lalanne (l'abbé) : Histoire du Châtelleraudais - 1859.

Piboule P., Grimal P.-F. : Le souterrain aménagé de la Plante, in Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1970, 4.

Documents : Jérôme et Laurent Triolet, les deux grands spécialistes actuels des cavités souterraines nous apprennent dans "Souterrains du Centre-Ouest" (Ed. la Nouvelle république) qu'"en 1970 Patrick Piboule rédigea  un mémoire de maîtrise  intitulé "les Souterrains aménagés du Châtelleraudais". Ce travail remarquable, du plus haut intérêt, malheureusement tombé quelque peu dans l'oubli, recensait une trentaine de cavités. Cet inventaire mériterait aujourd'hui d'être complété ; de nouveaux souterrains se sont ouverts et, dans d'autres réseaux, certaines salles sont devenues accessibles."

>> Mémoire consultable à la bibliothèque universitaire de Poitiers.




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